Le journal « Les Echos » rapporte dans un article publié le 12 juin 2020 que le rapporteur public du Conseil d’Etat s’est opposé à la doctrine de la CNIL en indiquant, lors d’une audience du même jour, que les éditeurs de site internet peuvent conditionner l’accès au contenu de leurs sites à l’acceptation du dépôt de cookies par leurs utilisateurs.
Bien qu’il s’agisse d’un avis, la position du Rapporteur Public est généralement suivi par le Conseil d’Etat. Toutefois, il serait, selon nous, très surprenant que le hautre juridiction administrative suive cette position dans sa décision attendue très prochainement.
Le contexte
Lors d’une audience devant le Conseil d’Etat, du 12 juin 2020, qui opposait la CNIL à des associations professionnelles des médias, de la publicité et du commerce en ligne (le Geste, le Fevad, l’IAB, le Syndicat des régies Internet…), le rapporteur public a indiqué sa position concernant les conséquences d’un refus de consentement d’un utilisateur d’un site internet au dépôt des cookies publicitaires.
La position de la CNIL et du Comité Européen à la Protection des Données, qui a récemment mis à jour sa recommandation sur le consentement afin de clarifier sa position sur les cookies (voir ici), est que l‘accès aux contenus d’un site internet, ne peut être conditionné à l’acceptation des cookies publicitaires (« cookies wall »).
La raison principale est que le consentement doit être libre et comme le rappelle le RGPD, ce ne peut être le cas si la fourniture d’un service, pour laquelle le traitement n’est pas nécessaire, est conditionnée à ce consentement.
La position du Rapporteur Public
Selon le journal Les Echos, le Rapporteur Public se serait opposé à la position de la CNIL et des autorités européennes en arguant que le consentement, même conditionné, pouvait être valide dans le mesure où l’internaute à le choix d’aller sur d’autres sites internet.
Notre opinion
Il nous paraît peu problable que le Conseil d’Etat suive la position du Rapporteur Public telle que relayée par le journal Les Echos pour les raisons suivantes:
– Le RGPD prévoit qu’ au moment de déterminer si le consentement est donné librement, il y a lieu de tenir le plus grand compte de la question de savoir, entre autres, si l’exécution d’un contrat, y compris la fourniture d’un service, est subordonnée au consentement au traitement de données à caractère personnel qui n’est pas nécessaire à l’exécution dudit contrat.
Par ailleurs, il est également indiqué que le consentement est présumé ne pas avoir été donné librement (…) si l’exécution d’un contrat, y compris la prestation d’un service, est subordonnée au consentement malgré que celui-ci ne soit pas nécessaire à une telle exécution.
Or la mise en place de cookies publicitaires n’est pas nécessaire à la fourniture de contenu gratuit. Ainsi, il est peu probable que le consentement soit considéré comme libre, si en cas de refus, l’accès au contenu est bloqué.
– Par ailleurs, si la possibilité de pouvoir naviguer sur un autre site était retenue comme une alternative valide, cela impliquerait que l’éditeur du site soit en mesure de prouver qu’au moins un autre site internet propose un contenu similaire sans exiger la mise en place de cookies.
Or si cette position était retenue, la plupart des éditeurs forceraient le dépôt de cookies afin d’assurer leur revenu publicitaire ce qui diminuerait la probabilité qu’une telle alternative existe.
Par ailleurs si un site similaire êtait proposé sans dépôt de cookies obligatoire, il semble nécessaire que le Conseil d’Etat exige qu’un lien vers ce dernier soit fourni à l’utilisateur pour qu’il s’y rende directement, ce qui va à l’encontre des intérêts de l’éditeur du site. L’argument n’aurait donc, en principe, que peu d’intérêt pratique.
En conclusion
Bien que cela semble peu probable, si le Conseil d’Etat choisit de valider les arguments et la position du Rapporteur public, sa décision ne devrait avoir que peu d’intérêt pratique dans la mesure où il sera très difficile de prouver qu’une réelle alternative est proposée aux utilisateurs et si celle-ci existait, il n’irait pas non plus dans l’intérêt de l’Editeur de l’indiquer à ses utilisateurs.
Le modèle économique de l’internet allant à l’encontre des principes posés par la CNIL et le RGPD en termes de dépôt de cookies, la décision du Conseil d’Etat est dès lors très attendue.
Pour toute question, n’hésitez pas à contacter Arnaud Blanc, Avocat
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