Le 12 janvier 2021, la CNIL a rappelé à l’ordre le ministère de l’Intérieur pour utilisation de drones équipés de caméras, notamment pour surveiller le respect des mesures de confinement, en dehors de tout cadre légal permettant une telle surveillance.
Elle demande également au ministère de cesser tout vol de drones jusqu’à ce qu’un cadre normatif autorise un tel traitement de données personnelles.
Cette sanction et l’injonction s’appliquent à toute utilisation des drones par l’ensemble des forces de l’ordre agisasant sous l’autorité du ministère, qu’il s’agisse de services de police ou de gendarmerie, sur l’ensemble du territoire.
Le contexte
Dès mars 2020, des articles de presse ont révélé l’utilisation, par les forces de l’ordre, de drones équipés de caméras afin de veiller au respect des mesures de confinement.
La présidente de la CNIL a adressé un courrier au ministère de l’Intérieur le 23 avril 2020 afin d’obtenir des précisions sur ces dispositifs et leurs caractéristiques et a procédé à des contrôles le 7 mai 2020.
Le ministère a indiqué utiliser des drones équipés de caméras, notamment pour vérifier le respect des mesures de confinement, pour la surveillance de manifestations, pour des missions de police judiciaire (telles que la reconnaissance d’un lieu avant une interpellation ou la surveillance d’un trafic de stupéfiants), ou encore pour la surveillance de rodéos urbains.
En juillet 2020, la CNIL s’est rendue dans les locaux de la préfecture de police de Paris et a fait procéder à un vol d’essai d’un des drones utilisés pour les finalités précitées.
Lors de son contrôle, elle a constaté que les personnes filmées par ce type de dispositif étaient susceptibles d’être identifiées.
La CNIL a considéré que le ministère avait manqué à plusieurs obligations de la loi Informatique et Libertés et a donc décidé d’engager une procédure du sanction.
Les manquements commis par le ministère de l’Intérieur
Un défaut de base légale
La CNIL a constaté qu’à ce jour, aucun texte n’autorise le ministère de l’Intérieur à recourir à des drones équipés de caméras captant des images sur lesquelles les personnes sont identifiables. Or, les traitements mis en œuvre par l’État, plus particulièrement, pour prévenir ou détecter les infractions pénales, mener des enquêtes ou se prémunir contre des atteintes à la sécurité publique, doivent être prévus par un texte.
Un manquement à l’obligation d’information et de réaliser une anlayse d’impact (AIPD)
Par ailleurs, une analyse d’impact aurait dû être réalisée et le public informée.
Le ministère indique toutefois avoir mis en place un mécanisme de floutage pour limiter l’impact sur la vie privée des personnes concernées mais la CNIL relève que ce floutage n’a été mis en place qu’à partir du mois d’août et n’est appliqué qu’après transmission des images des drones aux ministères de l’intérieur dont le systèmes appliquent le floutage et peut être désactiver.
Le rappel à l’ordre de la CNIL
La CNIL ne pouvant prononcer d’amende à l’encontre de l’Etat, elle a prononcé un rappel à l’ordre rendu public et une injonction de cesser tous les vols de drones visant à prévenir ou détecter les infractions pénales, à mener des enquêtes et à poursuivre leurs auteurs ou ayant pour but la protection contre les menaces pour la sécurité publique tant qu’un cadre légal ne le permettrait pas.
La CNIL rappelle que cette sanction s’inscrit dans le prolongement de deux décisions, en référé, rendues par le Conseil d’État sur le même sujet (18 mai 2020 et 22 décembre 2020) mais dont la portée était plus restreinte.
Pour un lécture complète de la délibération voir ici